Agroécologie et nouveaux OGM : sommes-nous à la croisée des chemins ?
Un cortège de jeunes, d’enfants et d’adultes est parti de notre siège de la contrada Fargione pour se diriger vers le champ préparé pour les semailles. Disposés côte à côte sur le périmètre du champ, nous nous sommes retrouvés au centre pour disperser les semences de Timilìa selon l’ancienne méthode de dispersion, un geste ancestral qui appartient à l’homme depuis l’aube de son histoire agricole.
Et c’est à chaque fois un émerveillement de voir comment ce simple geste peut toujours apporter de la bonne humeur et de la joie profonde. Car rien de tel qu’un semis pour être une promesse d’avenir.
L’avenir a également été abordé lors du séminaire « Agroécologie et nouveaux OGM : sommes-nous à la croisée des chemins ? » qui a clôturé la journée.
Un avenir menacé selon nous, mais aussi selon les intervenants présents**, par le nouveau scénario qui s’ouvre dans le domaine des manipulations génétiques appliquées aux plantes que nous mangeons, c’est-à-dire les nouveaux OGM.
Le 7 février, le parlement européen a approuvé la déréglementation des NBT (New Breeding Techniques en anglais ; mais en italien Tea, Tecniche di Evoluzione Assistita), que les médias appellent de manière plus compréhensible les nouveaux organismes modifiés.
« Cette seule expression (évolution assistée) devrait nous faire bondir », déclare Daniela Conti, biologiste et experte en génétique moléculaire, « Comment peut-on faire passer l’idée que l’évolution, après quatre milliards d’années de vie sur terre, a besoin de l’aide d’une nouvelle technologie génétique ».
« Malgré les assurances d’une partie de la communauté scientifique pro-OGM, personne ne connaît en effet les effets à moyen et long terme que ces changements peuvent déclencher. Et plutôt que d’utiliser le même principe de précaution que pour les OGM précédents, le Parlement européen a décidé de les déréguler, c’est-à-dire d’élargir les mailles du filet de contrôle qui sert à nous protéger d’éventuels dommages ou risques ».
Si les nouveaux OGM parviennent à résoudre les problèmes actuels, poursuit Daniela Conti, combien en créeront-ils à terme ? D’un seul coup, la capacité des plantes à s’adapter à l’environnement, à résister naturellement à l’adversité, à survivre en somme en tant qu’espèce bien mieux que nous, les animaux. Et ni nous ni les partisans de ces manipulations n’en connaissons les conséquences.
Ce que nous savons, en revanche, conclut Daniela Conti, c’est qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Un organisme modifié changera à jamais les générations futures car il constitue un début biologique, un point zéro à partir duquel tout se multipliera.
Malheureusement, nous savons aussi que toutes les voix scientifiques appelant à la prudence et à la recherche n’ont pas été entendues. La politique doit retrouver le sens qu’elle semble avoir perdu.
Mais il y a d’autres aspects de la question et Andrea Ferrante ne manque pas de nous les rappeler, à savoir ceux de la connaissance et des droits.
Depuis que l’on a dit à l’agriculteur qu’il devait devenir un entrepreneur agricole, on lui a également demandé de remplacer toutes ses connaissances et de les échanger contre d’autres connaissances très éloignées de son domaine. Un savoir descendu d’en haut et contrôlé par un système économique qui prend en compte les intérêts non pas de l’individu mais des multinationales (semencières, agro-pharmaceutiques ou pétrolières). L’entreprise agricole qui devait amener l’agriculteur à un rang supérieur l’a en fait rendu totalement dépendant des géants qui lui fournissent ce dont il ne peut plus se passer.
La liberté d’un monde agro-productif et le droit à l’alimentation, droit fondamental de l’humanité dont le concept de souveraineté alimentaire est la plus haute bannière, se perdent.
Lorsque les nouveaux OGM seront brevetés, ce seront quelques entreprises qui contrôleront la grande majorité de la production alimentaire mondiale. Aujourd’hui, en revanche, 70 % des aliments consommés dans le monde sont produits par l’agriculture à petite échelle, par l’armée d’agriculteurs et de paysans qui répondent aux besoins locaux. L’agriculture industrielle est minoritaire. Si les rôles sont inversés, notre droit à l’alimentation changera complètement.
* * Daniela Conti, biologa, esperta di genetica molecolare; Andrea Ferrante coordinatore Schola Campesina; Tommaso La Mantia, docente Unipa, dipartimento di Scienze Agrarie, Alimentari e Forestali. Ha moderato l’incontro Rafael Bueno, ecologo e assegnista di ricerca Unipa.